Une approche collective dans une ville de l’Ontario pour réduire le gaspillage alimentaire

Avec environ un tiers de toute la nourriture produite au monde étant jetée, le gaspillage alimentaire global est un (malheureusement) parfait exemple d’(in)soutenabilité holistique, avec des ramifications environnementales, économiques et sociales vastes et interconnectées. D’une part, la décomposition des déchets organiques, qui constituent le flux le plus important dans les décharges, augmente les émissions de méthane, un gaz à effet de serre nettement plus polluant que le dioxyde de carbone. Ensuite, il y a la valeur économique de ces millions de tonnes de fruits et légumes parfaitement comestibles qui sont jetées, ainsi que toutes les ressources gaspillées tout au long de la chaîne alimentaire pour les produire — eau, terres, énergie, travail. Et bien sûr, ce gaspillage prive de précieuses denrées alimentaires et ressources qui pourraient contribuer à réduire l’insécurité alimentaire parmi les populations les plus vulnérables. Si des réglementations et des stratégies axées sur le recyclage et le compostage existent depuis un certain temps, l’un des plus grands défis pour les villes et d’autres niveaux de gouvernement est de mettre en place des politiques de prévention. Dans l’Union européenne, l’orientation consiste de plus en plus à faire porter la responsabilité aux producteurs de déchets — plutôt qu’aux consommateurs ou au secteur public — comme l’illustre la loi pionnière adoptée en France en 2016, qui oblige les grandes surfaces à faire don des invendus au lieu de les détruire.

Au Canada, les tendances en matière de gaspillage alimentaire sont malheureusement similaires. Mais d’un autre côté, cela offre aussi l’opportunité de partager de bonnes pratiques à l’échelle mondiale. C’est d’ailleurs le cas du Commercial Food Waste Diversion Collective, un projet pilote développé dans la ville de Guelph (Ontario), qui a acquis une reconnaissance internationale grâce à son approche multi-acteurs impliquant les secteurs industriel, commercial et institutionnel, ainsi qu’un modèle financier innovant basé sur le poids des déchets, incitant ainsi à vraiment réduire la quantité d’aliments jetés. Lancé en 2021, le programme propose un modèle collaboratif permettant de détourner les déchets alimentaires des décharges tout en luttant contre l’insécurité alimentaire et en encourageant la prévention grâce à l’éducation et au monitorage de l’utilisation des ressources. Il rassemble soixante acteurs locaux diversifiés — distributeurs alimentaires, hôpitaux, hôtels, immeubles de bureaux et résidentiels, restaurants, écoles, maisons de retraite… — pour récupérer les surplus alimentaires comestibles en vue de leur redistribution à travers treize entreprises sociales, et pour garantir que les déchets alimentaires non comestibles soient correctement transformés en compost. En utilisant une technologie de mesure des déchets alimentaires en temps réel et un service régional consolidé de collecte des déchets organiques (similaire aux modèles traditionnels de collecte municipale de residus porte-à-porte), les participants peuvent prendre des décisions basées sur les données afin de minimiser le gaspillage tout en réduisant les coûts. Plutôt que de payer individuellement pour les services de gestion des déchets organiques, cette initiative introduit un modèle financier coopératif où les coûts sont partagés entre les participants en fonction du volume de déchets qu’ils génèrent. Au vu des résultats du projet pilote — 380 tonnes de déchets organiques collectées et détournées, permettant de récupérer plus de 62 000 repas — le modèle est actuellement en cours de réplication en Alberta, notamment dans les comtés de Westlock et Strathcona.

Bien que le gaspillage alimentaire soit un problème de grande ampleur nécessitant des actions politiques, les individus doivent aussi faire partie de la solution. Des gestes simples — comme planifier ses repas, conserver correctement les aliments ou utiliser les restes — peuvent aider à réduire le gaspillage à la maison. Parce qu’il faut être honnête: personne n’aime jeter une assiette de paella parfaitement bonne juste parce qu’elle s’est retrouvée oubliée au fond du frigo.

Crédit image : Circularinnovation.ca CC BY-NC-ND 4.0