On assimile parfois le numérique à l’immatériel mais c’est loin d’être le cas. Le secteur des «nouvelles technologies» n’implique pas que des services: il contribue de manière significative à un flux croissant de déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Selon la troisième (et la plus récente) étude du Global E-Waste Monitor des Nations Unies, un record de 53,6 millions de tonnes de déchets électroniques a été atteint en 2019, soit une augmentation de 21 % en seulement cinq ans. Moins d’un cinquième de cette quantité est correctement gérée pour être réutilisée ou recyclée. Cela entraîne non seulement une pollution par les déchets, mais empêche également la récupération de nombreux composants précieux – comme l’or, le cuivre, l’argent ou le palladium – qui pourraient remplacer, au moins en partie, l’extraction d’autres ressources naturelles. Ce type de déchets constituerait donc une sorte de mines urbaine du 21ème siècle.

Bien qu’il soit toujours préférable à jeter tout court, le recyclage peut être sur-incité. C’est pourquoi il est recommandé de donner la priorité comme objectif distinct à la réutilisation de ces appareils, ainsi qu’aux mesures visant à réduire la consommation en général. Non seulement cela permet d’économiser davantage de CO2 par tonne de déchets, mais cela présente également un potentiel de création d’emplois important. Dans tous ces domaines travaille l’organisation d’économie sociale Solidança basée à Sant Just Desvern (juste à côté de Barcelone). Elle gère l’une des premières usines catalanes de gestion et de préparation pour la réutilisation des DEEE (DEEE PxR), qui emploie en outre des personnes à risque d’exclusion sociale. Mais l’entreprise va plus loin en ayant comme domaines de travail importants la prévention des déchets et la formation des communautés à la réparation autonome des appareils. C’est dans ce sens que va le service Reparatruck de Solidança. Il s’agit d’une furgonette pour (vous l’aurez deviné) réparer, ce qui permet d’apporter un espace atelier mobile à toutes les communes collaboratrices de la zone métropolitaine de Barcelone, ainsi qu’à certaines autres municipalités catalanes. L’année dernière, elle a effectué 100 visites pour effectuer des réparations qui ont permis d’éviter près de 600 kilos de déchets.

Avec près de 40 autres entreprises d’insertion sociale à travers l’Espagne, Solidança est membre de l’AERESS, l’association espagnole des collecteurs de déchets de l’économie sociale. L’une des campagnes de la plateforme nationale, #UnImpulsoRedondo, vise à promouvoir la consommation responsable et la prévention des déchets à travers la demande d’une TVA zero sur les produits usagés préparés pour la réutilisation par des entités de l’économie sociale. Un autre exemple d’engagement plus politique en faveur de la réutilisation de l’électronique est le projet Ereuse.org. Ses membres et partenaires développent et partagent des ressources open source telles que des outils de remise à neuf, la gestion des stocks, des systèmes de traçabilité des passeports produits ou des mécanismes d’auto-accréditation pour les normes de qualité et de circularité. 

Comme vous pouvez le constater, peu de choses dans ce monde sont complètement immatérielles – peut-être juste nos pensées (et j’en doute encore!).