Park Slope Food Coop : une épicerie coopérative à New York, pour la transition des systèmes alimentaires
De nos jours, faire ses courses ressemble un peu à un harakiri financier. Le fait que nous ayons déjà dépassé la limite de 1,5 °C de réchauffement climatique n’arrange rien – pas plus que notre situation géopolitique actuelle, quelque peu chaotique – affectant les récoltes et les marchés alimentaires. Et, in fine, les prix que nous constatons à l’épicerie, les larmes aux yeux. Mais il y a de l’espoir : au-delà des grandes chaînes de distribution de l’industrie alimentaire, il existe des alternatives. Nombre d’entre elles sont à petite échelle : marchés de producteurs, réfrigérateurs collectifs ou stands de légumes ‘’de cour”. Les supermarchés coopératifs aussi. Pourtant, certains d’entre eux ne sont pas si « alternatifs », car ils existent depuis des décennies et rassemblent des milliers de membres.
Un exemple remarquable est celui de Park Slope Food Coop (PSFC) à New York. Fondé en 1973, ce supermarché de Brooklyn est l’un des plus anciens et des plus grands magasins d’alimentation gérés par ses membres aux États-Unis. L’adhésion à PSFC est ouverte à tous, même s’il faudra peut-être patienter quelques mois en raison de sa popularité. Pour une cotisation de 25 USD et une prise de participation au capital, remboursable, de 100 USD, on devient membre-propriétaire. Cela signifie que vous pouvez enfin acheter des aliments de qualité (bio et autres) à un prix abordable à la coopérative – seuls les membres peuvent y faire leurs courses – mais vous travaillez 2 heures 45 minutes toutes les six semaines, effectuant toute sorte de tâches, du remplissage des rayons à la découpe des légumes pour un souper populaire. Trop compliqué? Peut-être pour certains (il y a eu un scandale concernant des membres aisés qui voulaient envoyer leurs nounous faire leurs heures de travail – ce qui n’a pas été autorisé). Mais le bénéfice est là : PSFC estime permettre réaliser des économies de 20 à 40 % sur ses courses. Les 16000 membres de la coopérative assurent 75 % de la main-d’œuvre, ce qui maintient les coûts et les prix bas (du moins pour certains de leurs produits). Bien sûr, tout n’est pas idyllique. Avec ses milliers de membres non professionnels, le magasin est parfois un peu chaotique et la coordination des quarts de travail peut être un véritable cauchemar. La politique stricte de la coopérative – manquer un quart de travail, c’est en devoir deux de rattrapage – a été critiquée pour sa dureté envers les parents solo, les étudiants et toute personne jonglant avec plusieurs emplois. Pourtant, au-delà des défis logistiques, PSFC porte aussi sur bâtir une véritable communauté, avec des actions environnementales et politiques. (Il existe aussi un Fun Committee pourtant – yay!). Par exemple, la coopérative a interdit les sacs plastique et l’eau en bouteille il y a près de 20 ans. Fidèle aux principes coopératifs, PSFC a également créé un Fonds pour les nouvelles coopératives alimentaires afin d’aider d’autres communautés à créer leurs propres magasins autogérés – d’ailleurs, une vraie nécessité compte rebut que le nombre d’adhérents de PSFC a atteint sa capacité maximale. Et comme elle est gérée démocratiquement, les décisions – du choix des produits à stocker au boycott éventuel de Coca-Cola (ce qu’elle fait depuis 2004 en raison des abus de droit du travail) – sont prises lors de réunions mensuelles où chaque membre a un droit de vote.
Combien des grandes chaînes de supermarchés mentionnées au début sont capables de prendre ce genre de décisions en faveur d’une (réelle) durabilité environnementale ou sociale ? Les épiceries coopératives comme PSFC – et bien d’autres, comme La Louve à Paris – n’offrent seulement que des prix abordables (même si cela est certainement bienvenu), mais se veulent des acteurs clés de la transformation des systèmes alimentaires. Les supermarchés privés rendent des comptes à leurs actionnaires. Les coopératives rendent des comptes à leurs membres. Et cela fait toute la différence, du prix du pain à la transition écologique des pratiques agricoles.
Crédit photo : Ebeca.org