Le vol des biens communs

Nous avons écrit sur les biens communs à plusieurs reprises dans le passé, et cet article d’Eula Biss est probablement le meilleur. Bien qu’il ne soit pas directement lié aux villes, puisqu’il porte sur les biens communs agricoles plus traditionnels basés sur les villages, il s’agit d’une excellente explication du concept et de son histoire, extrêmement utile pour toute discussion sur d’autres formes de biens communs.

Biss se rend au Royaume-Uni pour explorer l’histoire des communs, dont un exemple existe encore à Laxton. En chemin, elle explore la valeur des ressources communes, les enclosures, le capitalisme, le féodalisme, l’altérité, une forme d’autonomie pour les femmes, les droits des roturiers transformés en vol par l’accaparement littéral des terres, l’indépendance, les luddites, le cow-boy américain, les glaneurs, l' »amélioration » et les racines fascistes du mythe de la « tragédie des biens communs ».

Très recommandé si vous aimez l’idée des biens communs ou si vous êtes curieux de l’histoire. Une citation à retenir est celle-ci, sur l’accusation de nostalgie souvent portée lorsque des personnes proposent d’anciennes méthodes : « La question de savoir si l’on reviendrait en arrière me semble être la mauvaise question à poser à la nostalgie. La question, comme le dit Zadie Smith, est de savoir comment reformuler les choses que vous trouvez précieuses dans le passé … d’une manière qui soit vivable dans ce moment contemporain ».

L’article est assez long, voici quelques citations de choix :

À Laxton, les villageois qui détenaient des droits sur Westwood Common pouvaient y garder vingt moutons, ou l’équivalent en vaches. Personne n’était autorisé à garder plus d’animaux sur le terrain communal en été qu’il ne pouvait en supporter en hiver. Les droits communs ont été continuellement revisités et révisés au cours des siècles, en fonction de l’augmentation et de la diminution de la demande. […]

Alors que la nostalgie personnelle peuple l’esprit de souvenirs réels, la nostalgie politique remonte souvent à un temps qui est aussi irréel que le voyage dans le temps lui-même. Dans ce passé, les Blancs s’imaginent libérés des revendications concurrentes concernant la terre et la propriété, les droits et les recours. C’est un passé dans lequel nous n’avions aucune obligation envers les autres peuples. Un tel passé n’a jamais existé, mais cette sorte de liberté reste un fantasme durable. […]

L’histoire du passé lointain est souvent spéculative. Comme la science-fiction, elle nous permet de penser à ce qui pourrait être possible, autant qu’à ce qui aurait pu être. En ce sens, le passé et l’avenir sont tous deux imaginaires, mais aussi réels, en tant qu’idées. […]

Comment localiser les biens communs dans un monde qui est souvent clos ? Comment retrouver une tradition de rébellion contre les prétentions monétaires à la propriété ? Comment utiliser les machines plutôt que d’être utilisé par elles ? Comment être rusé, comme les travailleurs du passé, et comment être conservateur, comme les roturiers ? Nous pouvons tirer des leçons de l’époque qui a précédé le cloisonnement, mais nous ne pouvons pas y retourner.

Image: By Dimitry Anikin on Unsplash. County Antrim, Northern Ireland, UK.