La minga, une forme précolombienne d’économie collaborative (de nos jours)

Bien avant AirBnB, Uber et d’autres entreprises fleurons de ce qu’on appelle «l’économie du partage » (qu’est-ce que c’est réellement partagé, avec qui et par qui, ça, c’est une autre discussion), les civilisations incas précolombiennes mettaient en pratique la philosophie minka de travail communautaire et vivre ensemble. Appelée aussi mink’a, du quechua minccacuni («demander de l’aide en promettant quelque chose»), il dérive aujourd’hui dans certaines régions au terme minga ou dans sa version hispanisée, faena (corvée). Selon le dictionnaire de la Royale académie espagnole, une minga est un « rassemblement d’amis et de voisins pour accomplir un travail commun gratuit » et « un travail agricole collectif et gratuit à des fins d’utilité sociale » – notons qu’on s’en tient ici au sens latino-américain, la version castillane espagnole du terme est bien plus physiologique… Cette tradition millénaire est en effet toujours vivante dans les pays andins et ses voisins – comme l’Équateur, le Chili, le Pérou ou la Bolivie – et elle peut avoir différentes finalités d’utilité communautaire comme la construction de bâtiments publics, ou aider une personne ou une famille en particulier, par exemple avec la récolte. Si bien une minga implique un espace de travail collectif avec une approche festive, il existe différentes manières d’établir une rémunération pour les participants et d’assurer la réciprocité de la pratique. Par exemple, si l’objectif est d’aider une famille particulière, celle-ci veillera à ce que ceux qui viennent aider reçoivent de la nourriture et des boissons, et elle contractera également l’obligation de «rendre la journée» lors d’une occasion future.

Une expérience basée sur la minga reconnue et étudiée est le quartier Solidaridad Quitumbe à Quito, en Équateur. Initié par la coopérative d’habitation Alianza Solidaria, la démarche a consisté dès le début, il y a près de 25 ans, à construire un habitat avec des axes centraux tels que le travail communautaire, la solidarité et la préservation de l’environnement. Ce dernier, entre autres, parce que son territoire est flanqué de deux ravins dont la dégradation initiale a rendu impossible l’habitation des lieux. La décision fut alors d’auto-organiser la restauration du quartier à travers des travaux communaux : la coopérative d’épargne qui livrait les maisons engageait en effet les futurs habitants à assister à 120 mingas en tant que partie de contribution à leur logement. Depuis, cette approche d’organisation communautaire s’est maintenue. À travers des initiatives d’économie solidaire, des projets de traitement de l’eau, des jardins urbains, des mobilités alternatives ou des ateliers pédagogiques, le travail communal de Solidaridad Quitumbe permet d’améliorer la qualité de vie des plus de 600 familles qui y habitent.

Au cours des dernières décennies, plusieurs approches institutionnelles du concept de minga ont été mises en place – avec différents degrés de continuité – dans des pays comme le Pérou ou l’Argentine. Apparemment, même la République coréenne a importé l’idée dans les années 1960, avec, semblerait-il, des résultats impressionnants (j’avoue que je n’ai pas pu trouver d’informations détaillées à ce sujet, si quelqu’un a une piste, elle sera la bienvenue!).

Image : Un exemple moderne de Mink’a / faena dans la communauté paysanne d’Ocra, au Pérou, au cours de laquelle une cuisine communautaire en adobe est construite. https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/8a/Dismantling_an_old_Adobe_building_in_Ocra%2C_Chinchaypujio.jpg/1920px-Dismantling_an_old_Adobe_building_in_Ocra%2C_Chinchaypujio.jpg

Crédit : Tobias Deml (CC BY-SA 4.0)

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Crédit : Cooperativa de Vivienda Alianza Solidaria (Facebook)