De l’aide régénératrice inspirée par la tradition philippine du bayanihan

Dans leur rapport Innovation and Adaptation in the Climate Crisis: Technology for the New Norma, le World Economic Forum examine six technologies clés — comme l’IA ou les drones— susceptibles de jouer un rôle dans l’adaptation climatique mondiale. Elles le peuvent certainement, mais pas seules. Nous, les humains, savons déjà comment répondre collectivement aux catastrophes. Le problème, c’est que beaucoup d’entre nous avons oublié ou ignorons les pratiques ancestrales d’entraide encore présentes aujourd’hui. Ou alors, nous les utilisons uniquement pour combler les lacunes des gouvernements, mais n’arrivons pas à  coordonner et changer d’échelle ces efforts communautaires. Les récentes inondations à Valence, en Espagne, qui ont causé la mort de plus de 200 personnes, ont suscité une vague énorme de solidarité et d’action bénévole. Malheureusement, elles ont également révélé une déconnexion et une mauvaise gestion entre les différents niveaux de gouvernement et la société civile pour gérer l’aide dans son ensemble, et exploiter pleinement ces mêmes technologies clés — telles que les modèles de prévision météorologique — mises en avant par le World Economic Forum.

Il serait peut-être utile d’examiner des traditions d’entraide à travers le monde, ainsi que les efforts pour cartographier et soutenir les initiatives communautaires qui s’inspirent de cet héritage d’entraide. L’une de ces pratiques ancestrales est la tradition philippine de soin collectif appelée bayanihan — qui se traduit approximativement par « être un héros les uns pour les autres ». Ancrée dans un esprit d’identité partagée ou de « soi collectif », cette pratique se manifeste dans des actes quotidiens comme la réalisation de projets communautaires ou l’aide aux voisins pour déménager. Historiquement, les communautés allaient même jusqu’à transporter ensemble des maisons entières, sur leurs épaules, vers une nouvelle destination. Le  bayanihan reflète une valeur culturelle inhérente de responsabilité et de soutien collectifs, dans des circonstances ordinaires comme extrêmes, ce qui est particulièrement précieux étant donné la vulnérabilité écologique des Philippines

Avec une moyenne de 20 typhons par an, ainsi que des éruptions volcaniques et des tremblements de terre fréquents, les communautés philippines s’appuient depuis longtemps sur l’entraide pour survivre. Cependant, les efforts de réponse sont entravés par des approches cloisonnées: les groupes communautaires, de gestion des conflits et d’adaptation au changement climatique travaillent souvent séparément. Cette réponse fragmentée met en évidence la nécessité d’approches innovantes pour renforcer la résilience face aux catastrophes. L‘aide régénératrice est un concept émergent qui vise à restaurer et à renforcer la santé à long terme des communautés et des écosystèmes. Ses pratiques incluent des solutions telles que les dons zéro déchet et le soutien en santé mentale, mettant l’accent sur une récupération holistique. Cette idée s’aligne bien avec l’essence du bayanihan, en donnant la priorité à la durabilité et à l’inclusivité plutôt qu’au soulagement immédiat uniquement.

C’est dans ce même esprit que travaille Green Releaf, une organisation fondée à Cebu, aux Philippines. Cherchant à remplacer le récit de la Réduction des Risques de Catastrophes (DRR en anglais) par celui du Design pour la Résilience et la Régénération, elle soutient des pratiques d’aide régénératrice, enracinées culturellement et menées par les communautés, qui résonnent avec le bayanihan et la puissance des savoirs locaux dans la construction de la résilience. Imaginez quelque chose comme des jardins de permaculture dans des centres d’évacuation. Suite à l’éruption du volcan Taal en 2020, par exemple, Green Releaf a aidé à cartographier et connecter des solutions régénératrices telles que des cuisines communautaires, le soutien à l’allaitement ou le transport zéro déchet. Bien que Green Releaf ne soit plus une ONG formelle mais un écosystème de collaboration, sa vision perdure : voir, connecter et intégrer les actions de base avec d’autres initiatives, pour finalement incorporer les pratiques régénératrices dans des cadres plus larges de réponse aux catastrophes.

Image : https://themixedculture.com/wp-content/uploads/2013/09/bayanihan_2.jpg

Credit: http://en.wikipedia.org/wiki/Communal_work