Monnaies communautaires et énergie locale: un exemple du Japon

Les monnaies communautaires sont des formes monétaires alternatives qui coexistent avec les monnaies nationales ou officielles pour couvrir les besoins d’un groupe ou d’une zone locale spécifique auxquels le système monétaire conventionnel ne peut pas y répondre. Généralement gérées par un organisme à but non lucratif ou d’économie sociale et solidaire, les monnaies communautaires montrent que l’argent est une création sociale et qu’en tant que telle, il peut être repensé pour répondre aux conflits inhérents au système monétaire. À savoir, l’argent traditionnel est cyclique, ce qui conduit à sa pénurie (les payeurs d’hypothèques en font l’expérience douloureusement ces jours-ci); il permet également des « fuites » monétaires des régions pauvres et perpétue les inégalités (ceux qui ont le plus besoin de liquidité, comme les ménages à faible revenu et les PME, sont les premiers à souffrir de sa pénurie). En plus de tout cela, avec la monnaie traditionnelle, il y a une absence totale de critères de durabilité dans sa création et sa circulation. En effet, l’émission et la contraction de l’offre monétaire sont largement déterminées par une élite d’acteurs financiers privés selon des critères de profit. Cela se traduit, par exemple, par le fait qu’une entreprise polluante peut obtenir du crédit tant qu’elle montre sa capacité à le rembourser, ou que l’argent traditionnel peut être utilisé pour acheter pratiquement n’importe quoi dans des conditions égales, quels que soient les impacts sociaux ou écologiques du bien ou du service acheté. C’est pourquoi la monnaie traditionnelle est aussi appelée general-purpose money monnaie à but général »), par opposition à la special-purpose money (« monnaie à but spécial »), comme les monnaies communautaires.

Parmi de nombreux buts sociaux et écologiques possibles, ces monnaies peuvent servir comme catalyseur d’une approche territoriale collective entre différents acteurs (collectivités locales, associations, citoyens, entreprises, banques, etc.). Un exemple inspirant en est présenté par les chercheurs Miyazaki et Kurita (2018) qui décrivent comment, depuis la catastrophe nucléaire de 2011, la société civile au Japon a vu renaître des monnaies communautaires soutenant l’énergie locale autosuffisante. La préfecture de Kochi est une région forestière vallonnée avec de nombreuses associations de bénévoles pour la gestion durable de la forêt. L’association locale à but non lucratif NPO Tosa No Mori Kyuentai est l’une d’entre elles et elle a également créé un système énergétique régional autonome utilisant le bois issu de l’éclaircissage; bois qui est redistribué en partie dans les régions dévastées par le tremblement de terre. A tout cela s’ajoute l’émission d’une monnaie communautaire, les coupons MK, pour exprimer la « gratitude » pour le travail bénévole de foresterie et de transformation du bois pour créer de l’énergie durable, et pour les contributions en monnaie nationale des partenaires institutionnels et privés. Les MK peuvent être dépensés dans des magasins locaux partenaires, des fermes ou des jardins fruitiers dans plusieurs municipalités de la région et sont finalement encaissés à la fin de leur cycle chez NPO Tosa No Mori Kyuentai. En tant que base d’un système économique intra-régional qui valorise les ressources locales par le biais d’une monnaie communautaire, l’association connecte la préservation de la foresterie durable traditionnelle avec la création d’énergie à partir des ressources locales et avec la revitalisation économique de la région. Pour plus d’informations sur les monnaies communautaires et comment en démarrer une, consultez par exemple le guide People powered money de la New Economics Foundation.

Image:

MK note  https://pds.exblog.jp/pds/1/201003/09/49/f0126949_1819389.jpg

and forest volunteers group https://pds.exblog.jp/pds/1/201208/13/39/a0051539_6505482.jpg, credit NPO Tosa No Mori Kyuentai

Sources:

Miyazaki, Y. and Kurita, K.-I., 2018. Community currency and sustainable development in hilly and mountainous areas: A case study of forest volunteer activities in Japan, in: Monetary Plurality in Local, Regional and Global Economies. Routledge. 

NPO Tosa No Mori Kyuentai https://mori100s.exblog.jp/i49/